Vieillissement de la population : Un Manifeste pour une révolution de la longévité

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Après le lancement des Etats Généraux de la Seniorisation de la Société, c’est au tour de Jerôme Guedj et Luc Broussy de fédérer à leur tour au titre de leur Think Tank « Matières Grises » (hébergé par la société de conseil-presse-formation EHPA) à travers un Manifeste « pour une révolution de la longévité » qui a rassemblé 150 signatures, et déclenché une polémique avec François de Closets.

Dans une tribune parue le 26 mai dans le journal Le Monde, plus de 150 personnalités se sont ainsi mobilisées au travers du Manifeste pour une révolution de la longévité. Ce collectif, composé de professionnels du secteur de l’aide aux personnes âgées, syndicalistes, acteurs économiques et sociaux, associatifs ou politiques, intellectuels ou experts et citoyens engagés, appelle à repenser le lien intergénérationnel et à mobiliser l’ensemble des moyens nécessaires pour relever le défi démographique du grand âge.

Manifeste pour une révolution de la longévité

Si nous apposons notre signature en bas de ce texte, c’est pour affirmer qu’il est désormais temps que la société française prenne à bras le corps, avec détermination et lucidité, le défi de la longévité.

Professionnels du secteur de l’aide aux personnes âgées, syndicalistes, acteurs économiques et sociaux, associatifs ou politiques, intellectuels ou experts, citoyens engagés, nous avons comme tout le monde constaté cette implacable statistique : 92 % des victimes du coronavirus en France sont âgées de 65 ans ou plus. En braquant depuis deux mois la lumière sur le grand âge, la crise sanitaire a mis en évidence, et même accentué, nos failles collectives comme nos indéniables atouts.

Parce que nous sommes tous des vieux en devenir, il nous semble essentiel qu’aux côtés des transitions écologique et numérique, nous reconnaissions désormais la transition démographique comme un des grands défis du XXIe siècle. Cette exigence est d’autant plus urgente que la société française va être confrontée à un double défi. Le défi démographique, c’est, à partir de 2025-2030, cette triple massification du vieillissement (plus de retraités, plus de fragiles, plus de dépendants) due à l’arrivée à l’âge de 80-85 ans des « boomeurs » nés à partir de 1945. Le défi sociologique, ce sont ces « nouveaux vieux » qui, au coeur de la crise sanitaire, ont eu raison de rappeler que l’âge n’est pas une identité. En exprimant leur colère quand la barrière d’âge fut un temps envisagée (et heureusement abandonnée) pour les contraindre au confinement au-delà du 11 mai, cette génération, qui avait 18 ans en mai 1968, a crié en 2020 à l’âge de 70 ans : « Vous ne ferez plus contre nous. » Mieux : « Vous ne ferez plus sans nous. »

Ce moment nous oblige donc à repenser le lien entre les générations. Durant cette crise, c’est le virus qui a été « âgiste », pas les Français qui ont fait montre d’une immense solidarité en acceptant ce confinement drastique pour protéger les plus fragiles. Dans une société où un quart de la population est à la retraite et où, en 2050, les plus de 85 ans constitueront 7 % de la population française, nous pensons indispensable un pacte social qui lie les générations entre elles et où soit reconnue l’exigence de citoyenneté et de participation des âgés et de leurs proches. Des retraités qui sont à la fois des garants de la solidarité, en assumant la garde des petits-enfants autant que le soutien aux parents âgés, des précieux passeurs d’histoire, d’éducation et de mémoire, et enfin des piliers de la citoyenneté – combien de mairies et d’associations ne tiennent aujourd’hui que par l’investissement des retraités ?

Mais nous prenons la plume aujourd’hui pour affirmer aussi que la crise du coronavirus doit nous fournir l’opportunité historique de changer de braquet dans l’accompagnement du grand âge. L’âge déprime, le grand âge fait peur, la dépendance terrorise. Pour surmonter cette angoisse, nous devons d’abord respecter la volonté de vieillir chez soi, exprimée par de nombreux Français. Encore faut-il nous en donner les moyens en adaptant nos logements, en réformant les modes d’organisation et de financement des services d’aide à domicile, en développant massivement les formules d’habitats alternatifs et en reconnaissant le rôle des proches aidants, souvent âgés eux-mêmes.

Perte d'autonomie - Dépendance - Canne - Personne âgée

« Ville amie des aînés »

Il faudra dans le même temps en finir avec ce choix collectif aberrant qui consiste à doter de moyens insuffisants les établissements spécialisés dans la prise en charge des âgés les plus fragiles, les transformant de fait en bouc émissaire idéal de notre mauvaise conscience. Au lieu de verser dans l’« Ehpad bashing », mieux vaut collectivement repenser le rôle et les moyens d’établissements qui, s’ils ont besoin de connaître une profonde transformation à laquelle ils aspirent d’ailleurs eux-mêmes, demeurent nécessaires à tous.

Comme pour l’hôpital, il y a bel et bien urgence à penser réorganisation, gouvernance, moyens et reconnaissance des professionnels. Nous avons applaudi chaque soir ces invisibles de la solidarité, ces professionnels du soin et de l’accompagnement des âgés, à domicile et en établissement – dont 85 % sont des femmes. Le « Ségur de la santé » devra intégrer un plan de mobilisation et de valorisation de ces métiers. Nous leur devons plus qu’une loi technique qui enfermerait une fois de plus les personnes âgées dans un carcan sanitaire et médicosocial : nous devons engager le pays dans la société de la longévité et des solidarités intergénérationnelles. Bien sûr, il faut aller jusqu’au bout de l’engagement présidentiel du 13 juin 2018 d’adopter une loi « grand âge et autonomie », mais elle doit s’accompagner d’une véritable stratégie nationale de transition démographique 2020-2030.

Elle devra être prospective – pour être en accord avec une transition démographique caractérisée par un vieillissement accru entre 2030 et 2050 – et mobiliser tous les leviers de la société. Nous voulons que la France s’engage dans une politique massive et assumée d’adaptation des logements au vieillissement pour permettre à chacun de vivre le plus longtemps possible à domicile. Nous voulons une « ville amie des aînés » qui permette à toute personne d’avoir accès à tous les commerces et services nécessaires, qui facilite les mobilités, qui mobilise les innovations et le numérique au service des plus âgés. Nous voulons une loi et une stratégie nationale qui prennent en compte l’impact du vieillissement sur l’aménagement du territoire et sur l’emploi, car demain on ne vieillira pas de la même façon, que l’on vive en centre-ville, en périurbain, en milieu rural ou dans les 222 collectivités concernées par le plan national « Coeur de ville ».

Une loi sur la prévention

Enfin, nous voulons une loi où la prévention tienne une place essentielle. Promotion des activités physiques adaptées, lutte contre la dénutrition, prévention des chutes qui provoquent 9 000 décès par an, mobilisation contre l’isolement social qui affecte 900 000 personnes âgées et prévention des troubles dépressifs, vaccination antigrippale chaque année… Autant de chantiers essentiels pour une société bienveillante. Il faudra enfin renverser la table des pratiques anciennes, du cloisonnement entre sanitaire et médico-social, entre établissement et domicile, entre pilotage national et gouvernance locale.

Elle devra être financée. Conscients des difficultés de l’après-crise du Covid-19 et d’un contexte économique très dégradé, nous ne voulons pas pour autant que les choix budgétaires de sortie de crise occultent la nécessaire augmentation de la dépense publique et sa juste répartition pour la perte d’autonomie. L’annonce récente de la création d’un « cinquième risque » assuré par la Sécurité sociale va à l’évidence dans le bon sens, à trois réserves près : que la réforme de l’âge ne se limite pas à la seule question du financement de la perte d’autonomie ; que des moyens nouveaux soient effectifs dès 2021 ; et que l’enveloppe destinée à la dépendance, actuellement de 25 milliards d’euros, puisse progresser de 10 milliards d’euros dans les dix ans à venir : un choix qui doit être affirmé dès aujourd’hui et inscrit dans la trajectoire de nos finances publiques.

Mais cette tribune ne constitue pas seulement un appel à la puissance publique qui, si elle peut beaucoup, ne peut pas tout. Nous appelons à un sursaut de l’ensemble de la société. Car cette crise l’a aussi montré, les ressources, les projets et les innovations sont souvent au coeur de la société, dans les territoires, les associations, les entreprises. Nous devons tous nous questionner et adapter nos pratiques à cette révolution de la longévité. Nous adressons ce message à l’Etat autant qu’à nous-mêmes. Il est de notre responsabilité dans nos entreprises, dans nos institutions, dans nos associations, dans nos collectivités locales, dans nos partis et nos syndicats, dans nos écrits et nos productions intellectuelles de nous emparer de ces sujets et de faire nôtre cette mobilisation pour une transition démographique réussie. Vieillir est une chance : ne transformons pas en problème une si formidable opportunité.

Un Manifeste sur fond de polémique

La publication de ce manifeste a déclenché une autre tribune, celle de François de Closets, toujours dans le journal Le Monde : La génération prédatrice du ‘toujours plus’, née autour de 1950, devrait avoir honte.

François de Closets accuse les signataires du Manifeste appelant à une « révolution de la longévité », de « revendiquer l’argent que nos enfants n’auront pas ». Le journaliste accuse notamment les boomers de s’être opposés à la continuité d’un confinement uniquement pour les seniors, alors que le confinement national et l’arrêt de l’économie du pays n’avait pour but que d’endiguer un virus qui tue principalement les seniors, un manque de reconnaissance et de solidarité en quelques sortes…

Quand polémique accords et désaccords alimentent le buzz

Toujours est-il que même si le fond du désaccord n’est pas toujours clair, la contre tribune du journaliste François de Closets a servi a donner encore plus de visibilité au Manifeste.

OK Boomer !

La Guerre des génération aura-t-elle lieu ? Tel le titre de l’ouvrage de Serge Guérin et Pierre-Henri Tavoillot paru en 2017. A en écouter certains il semble que la tendance n’est pas à la fraternité intergénérationnelle… La tempête étant passée, place à la construction du cinquième risque et la mise en place de la loi autonomie.


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Cet article a été publié par la Rédaction le


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