«L’adaptation de l’habitat doit se faire prioritairement dans les zones favorables au vieillissement», Pierre-Marie Chapon, référent France «Ville amie des aînés»
Comment les villes peuvent-elles accompagner le vieillissement de la population ? En anticipant ! C’est le conseil aux édiles de Pierre-Marie Chapon, référent France auprès de l’Organisation Mondial de la Santé pour le programme international «Ville amie des aînés».
Propos recueillis par Julien Beideler
Dans le cadre du projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement de sa population, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, se rend le 12 février à Angers. Pourquoi le choix de la préfecture du Maine-et-Loire ? Parce qu’Angers fait partie des 19 villes françaises officiellement reconnues «Villes amies des aînés» par l’OMS (Organisation Mondial de la Santé). Une démarche de labellisation qui pourrait bien être généralisée dans le cadre du projet de loi. Pierre-Marie Chapon, référent pour la France auprès de l’OMS, détaille le concept :
En quoi consiste le label «Ville amie des aînés» ?
Le projet est né en 2005 lors d’un congrès mondial de gériatrie et gérontologie à Rio de Janeiro avant que les premières villes collaboratrices mettent en place un protocole utilisable partout dans le monde en 2007 à Vancouver. Aucune n’était française. L’idée du programme est d’engager une dynamique d’anticipation et d’adaptation des villes au vieillissement de la population à travers 8 indicateurs de la vie quotidienne (transports, habitat, participation au tissu social, respect et inclusion sociale, participation citoyenne, communication, santé et espaces extérieurs).
Y a-t-il aujourd’hui des villes françaises engagées dans la démarche ?
Les villes françaises figurent aujourd’hui dans le «réseau francophone des villes amies des aînés» présidé par François Rebsamen, sénateur-maire de Dijon. Aujourd’hui, elles sont officiellement 19 à être reconnues par l’OMS : Angers, Bar-le-Duc, Besançon, Bey, Carquefou, Dijon, Limonest, Lyon, Le-Havre, Metz, Quatzenheim, Quimper, Rennes, Royan, Saint-Denis de la Réunion, Schœlcher, Strasbourg, Toulouse, Villeneuve-sur-Lot.
Adapter une ville au vieillissement est un défi titanesque ! Comment s’y prend-on ?
Effectivement, c’est un défi d’ampleur et surtout de longue haleine mais il ne faut jamais oublier qu’une ville amie des aînés est une ville amie de tous les âges, les aménagements sont utiles pour tous. Par contre il faut anticiper ! C’est le maître-mot. Et pour cela, la première chose que nous préconisons est de définir des «zones favorables au vieillissement».
Qu’est-ce qu’une zone favorable au vieillissement ?
Très simplement, c’est une zone où, lorsqu’on vieillit sans perte majeure d’autonomie, on peut se déplacer facilement, faire ses courses, avoir accès aux services du quotidien, garder du lien social… Il faut permettre aux habitants actuels de rester dans leur logement en facilitant les adaptations et construire des logements neufs adaptés.
Les caractéristiques d’un centre-ville en quelque sorte…
Oui. Et comme on sait que tout le monde ne peut pas vivre en centre-ville, cela encourage à une centralité déportée. Dès lors que l’offre de mobilité est opportune, que des efforts de mise en accessibilité ont été engagés, il ne faut pas hésiter ! Les villes conçues à l’échelle de l’automobile ne sont pas compatibles avec le vieillissement des habitants. C’est l’occasion rêvée pour que des lieux de passage redeviennent des lieux de vie !
D’un côté, on établit la carte des zones de vie des aînés et de l’autre, celle des zones favorables au vieillissement. Se superposent-elles ?
En partie seulement. Mais cette superposition permet de faire des choix politiques réalistes. Par exemple, en fonction du parc de logements et de la population, nous avons des indications sur ce que pourraient être les exigences d’adaptation de l’habitat.
L’adaptation de l’habitat doit-elle se faire uniquement dans les zones favorables au vieillissement ?
Pas uniquement mais ces zones doivent être prioritaires. Plusieurs villes, je pense notamment à Rennes, imposent un quota de 20% de logements adaptés pour les programmes de promotion dans les ZAC situées dans des zones propices au vieillissement. Cela permet de créer une offre attractive tout en évitant le piège de la ghettoïsation. Je rappelle que la préservation du lien social est essentielle !
Faut-il aller jusqu’à adapter les documents d’urbanisme (PLU, Scot…) ?
Si c’est nécessaire pour que les choses avancent, alors il faut le faire. Mais je me méfie du réflexe français qui consiste à vouloir tout régler par la loi et la réglementation. Je préfère une approche pragmatique comme celle de nos voisins anglais : ils ont fait le point des lieux et des populations avant d’adapter les objectifs à atteindre. En gardant en tête l’idée de la conception universelle mais en ne la systématisant pas.
Les élus locaux sont-ils mûrs sur la question ?
On progresse. Les élus, les maires notamment doivent impulser une gouvernance transversale de la question du vieillissement. Si on réfléchit en silo, si l’adjoint chargé de l’urbanisme ne parle pas à son homologue en charge des personnes âgées, c’est difficile de faire quoi que ce soit. La problématique du vieillissement de la population doit imprégner tous les autres champs de la gestion publique d’une ville.
Pensez-vous que le label «Villes amies des aînés» puisse intégrer le projet de loi ?
Je le souhaite et, de mon point de vue, c’est à cette aune que nous pourrons mesurer l’ambition des parlementaires. Si la démarche figure en annexe, elle n’aura évidemment pas le même impact que si elle est dans le texte lui-même. Mais même s’il ne s’agit pas d’une base légale, il faudra au moins donner une incitation forte aux villes à s’inscrire dans cette démarche.
«L’adaptation de l’habitat doit se faire prioritairement dans les zones favorables au vieillissement», Pierre-Marie Chapon, référent France «Ville amie des aînés»
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