Tout un symbole. C’est au cœur de la ville, place du Colombier, au pied d’un des centres commerciaux les plus fréquentés de l’agglomération, que la métropole rennaise a voulu implanter sa Maison des aînés et des aidants. Réputée pour son dynamisme estudiantin, avec près de 70 000 jeunes, Rennes affiche sa volonté de choyer ses seniors. En 2017, les plus de 60 ans représentaient 18,7 % de sa population, soit 40 570 des 216 815 habitants. Parmi eux, 16 347 ont plus de 75 ans. Ils devraient être, dans les années à venir, de plus en plus nombreux.

Pour accompagner cette évolution, Rennes a rejoint en 2010 le réseau des « villes amies des aînés », lancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et fut, en 2012, à l’origine du réseau français, qui compte aujourd’hui plus de 150 collectivités.

Une Maison où les bénéficiaires sont aussi les principaux acteurs

Vitrine de cette démarche, la Maison des aînés, pilotée par le Centre communal et d’action sociale (CCAS), a été inaugurée en novembre 2019. « Elle redonne leur juste place aux citoyens âgés : au milieu de la cité », se réjouit Anne Bouget-Defrance, responsable de ce lieu singulier où les bénéficiaires sont aussi les principaux acteurs.

Les seniors ont participé pleinement à sa conception et, en temps normal, hors période Covid, ils sont une vingtaine de bénévoles à se relayer plusieurs après-midi par semaine pour recevoir les visiteurs. « Ça change tout, résume, enthousiaste, Annie, 72 ans. J’accueille les personnes comme j’aimerais être accueillie. Il y a beaucoup de problématiques liées à l’âge que nous pouvons, évidemment, comprendre. »

La Maison des aînés, qui abrite le Centre local d’information et de coordination (Clic) destiné aux personnes âgées, propose de multiples ateliers ou conférences : informatique, nutrition, ergothérapie, droit, etc. Un appartement témoin permet d’aborder les questions liées à la perte d’autonomie.

Si la Maison, qui s’adresse également aux proches de personnes dépendantes, a dû par deux fois, confinement oblige, suspendre ses activités, « notre raison d’être est intacte, insiste Anne Bouget-Defrance, impatiente de voir le public revenir entre ces murs. Notre mission est multiple : défendre une image positive des seniors, lutter contre l’isolement, et développer les relations intergénérationnelles ».

Un espace public adapté

Outre cette structure, aménagée pour un budget de 220 000 €, Yannick Nadesan, élu communiste, nouvel adjoint chargé du vieillissement, peine à chiffrer l’engagement financier global de la ville et, aujourd’hui, de la métropole, en faveur des aînés : « Cette politique irrigue plusieurs domaines de façon transversale », résume-t-il.

Depuis le début des années 2010, cette préoccupation s’est en effet peu à peu imposée dans les différents services. Avec, notamment, un véritable « changement de regard » du côté de l’urbanisme. « Avant, quand on pensait aux aînés, les projets ne dépassaient pas vraiment la construction d’Ehpad, souvent en périphérie, rappelle Frédéric Auffray, urbaniste, référent vieillissement et santé. Désormais, l’objectif est de permettre aux gens de bien vieillir dans leur quartier. Le métier d’urbaniste est précisément d’améliorer la ville en fonction des mutations profondes de la société. »

Celles engendrées par le vieillissement de la population peinent parfois à s’ancrer dans l’esprit des professionnels. « Il reste certaines réticences car le vieillissement fait peur, reconnaît l’urbaniste. Cet enjeu doit aller au-delà des personnes convaincues de son importance : il devrait systématiquement être inscrit au cahier des charges de chaque projet de réaménagement. »

Une attention aux détails

Pour comprendre les besoins spécifiques des personnes âgées dans l’espace public, les équipes de la ville ont par exemple expérimenté un simulateur de vieillissement – un harnachement composé de poids, de lunettes limitant la vue et d’un casque atténuant les sons.

Plusieurs marches exploratoires ont été organisées avec les habitants, se révélant riches d’enseignements sur les critères indispensables au bien-être des aînés dans l’espace public : largeur des trottoirs, qualité des revêtements au sol, éclairage, etc.

« Alors que la tendance était plutôt de supprimer les bancs, nous nous sommes rendu compte que leur présence régulière sur le parcours des personnes âgées les rassurait, leur offrant des possibilités de halte, ajoute Frédéric Auffray. Idem pour les toilettes publiques. » Rien de spectaculaire, donc, mais une attention aux détails qui peu à peu façonnent un environnement adapté aux plus âgés.

Favoriser la mobilité

L’implantation de nouveaux logements ou les programmes de rénovation de bâtis anciens s’inscrivent aussi dans cette approche globale. « Nous avons identifié une cinquantaine de secteurs, avec toutes les commodités facilement accessibles pour tout le monde », explique Frédéric Auffray.

L’accent est mis aussi sur la mobilité : la ­deuxième ligne de métro, qui devrait être inaugurée en 2021, sera entièrement accessible. Depuis 2019, la Star, qui gère les transports en commun de l’agglomération, propose un service d’accompagnement destiné aux voyageurs les plus fragiles.

La ville tente également de jouer la carte intergénérationnelle, comme dans les quartiers Beauregard, ou de La Touche, où les logements adaptés aux personnes âgées se mêlent aux habitats familiaux, crèches, ateliers d’artiste, jardins partagés, etc. Avec, en filigrane, un vaste défi : lutter contre l’isolement, fléau du grand âge.

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Les chiffres clés

143 millions de personnes dans le monde avaient plus de 80 ans en 2019, selon les données des Nations unies. Ce nombre devrait tripler, pour grimper à 426 millions, en 2050.

38 % des plus de 80 ans résident aujourd’hui en Europe et en Amérique du Nord. En 2050, ils ne devraient plus être que 26 %, et 17 % en 2100, car le vieillissement de la population touchera, dans des proportions différentes, tous les continents.

9,3 % des personnes vivant en France ont plus de 75 ans aujourd’hui, selon l’Insee. Selon les projections, ce taux serait de 16,3 % en 2050 et de 17,9 % en 2070. À cette date, la France pourrait avoir 270 000 centenaires.